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LA GRÈCE SAUVÉE.

« L’un aiguise un poignard, l’autre apprête un poison,
« Et de loin sur leurs pas rampe et se désespère
« Le Remords entouré d’une immense vipère.
« Par leurs propres flatteurs ces monstres outragés,
« Dans des fleuves de sang à jamais sont plongés.
« Le crime a de la peine indiqué la nature :
« L’envieux est l’auteur de sa propre torture,
« Et nourrit le vautour qui lui ronge le sein ;
« L’ombre de la victime assiége l’assassin,
« Et d’un père égorgé, la main de l’Euménide
« Offre toujours la tête à l’enfant parricide.
« Non, même avec cent voix et cent bouches de fer,
« Je ne pourrais compter les tourments de l’Enfer.
« Chaque moment accroît la foule criminelle.
« Mais il est des forfaits que dans l’ombre éternelle
« Avec plus de rigueur ont condamnés les Dieux ;
« L’ennemi de leur nom, le sophiste odieux,
« Dont le stupide orgueil a nié leur puissance,
« Est livré sans mesure aux traits de leur vengeance.
« Chef des Athéniens ! quand un peuple vieilli
« Dans le luxe et les arts s’est longtemps amolli,
« Fille des Passions, l’Impiété plus fière.
« Du Crime triomphant élargit la carrière.
« Malheur à qui rompra ce frein religieux,
« À l’humaine raison imposé par les Cieux !
« Hélas ! puisse Minerve écarter mes présages !
« Mais Athène en son sein accueillit ces faux sages.
« L’un d’eux dans cet abîme est naguère arrivé :
« Vois quel nouveau supplice est pour lui réservé. »
Thémistocle obéit, il regarde et frissonne.