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LA GRÈCE SAUVÉE.

Tout s’embrase, et trois fois de ces cendres connues
Nous avons fait le tour, en détournant les yeux.
La tristesse a couvert nos fronts victorieux ;
Nous tenons en marchant nos lances renversées.
Les paroles de paix sont enfin prononcées,
Et ceux que nous aimions, dans leur dernier séjour
Ont reçu tous nos pleurs, et l’adieu sans retour.

 Léonidas aussi veut qu’aux Persans eux-mêmes
On rende ces devoirs et ces honneurs suprêmes ;
Des ennemis vaincus sont sacrés à ses yeux :
« Hélas ! dit-il, Cyrus à leurs braves aïeux
« Inspira des vertus autrefois admirées,
« Et l’esclavage seul les a dénaturées.
« Si le Ciel quelque jour prend pitié de leurs maux,
« S’il leur donne un Lycurgue, ils seront nos égaux. »
Il commande, et bientôt, dans les forêts voisines,
La hache a de l’yeuse abattu les racines ;
Le frêne est renversé, l’orme tombe à grand bruit ;
Un plus vaste bûcher à la hâte est construit,
Et trois jours, des Persans, qu’un même feu rassemble,
Les restes entassés s’y consument ensemble.
Leurs ossements au loin sont semés dans ces bois,
Sur ces monts étrangers qu’ils n’ont vus qu’une fois ;
Ils accusent Xerxès, et jusqu’aux derniers âges
Vont rendre à nos exploits d’éternels témoignages.

 Quand sur le Styx enfin, nos douloureux accents,
Nos pleurs ont consolé les mânes gémissants…
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