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ŒUVRES DE FONTANES.


 Léonidas s’émeut et pleure comme nous,
Alors qu’il reconnaît son serviteur fidèle,
Sergeste… Il prend sa main, et trois fois il l’appelle :
« Sergeste, ô mon ami ! tu méritas ce nom,
« Ô de tous mes travaux assidu compagnon,
« Dans l’un et l’autre sort tu montras ta constance ;
« Esclave sans murmure, et libre sans licence,
« Sage dans le bonheur, ferme dans les revers,
« Tu bénissais les Dieux même en portant des fers ;
« Quand je les eus brisés, tu voulus les reprendre,
« Ton dévouement pour moi n’en devint que plus tendre
« Sparte qui t’admirait, illustre enfant d’Hélos,
« T’honore par ma voix comme un de ses héros ;
« Ses vierges, ses enfants, un jour dans leurs cantiques
« Rediront tes exploits, tes vertus domestiques.
« Réjouis-toi, Sergeste ! Ah ! faut-il te pleurer ?
« Nos guerriers à ton sort doivent tous aspirer.
« Réjouis-toi : les Dieux n’ont pas voulu peut-être
« Séparer pour long temps et l’esclave et le maître. »
Il dit : ces derniers mots, que moi seul ai compris,
D’une douleur nouvelle ont frappé mes esprits.
À côté de Sergeste, hélas ! je fais étendre
Philétas que ma mère attendait pour son gendre.
Je vois encor, je vois, attaché sur son sein,
Un tissu que ma sœur a filé de sa main,
Doux gage de l’amour que le tombeau réclame.
Du bûcher cependant on voit briller la flamme :
Les chênes, les ormeaux, les cèdres parfumés,
Par la torche funèbre à grand bruit allumés,
En tourbillons ardents s’exhalent vers les nues ;