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LA GRÈCE SAUVÉE.

De l’esclave de Sparte accompagnent les mânes.
Mais c’est Tigrane seul que veut Léonidas ;
Il l’appelle à grands cris, il s’attache à ses pas,
Il a soif de son sang, il le suit, il le presse.
Tigrane intimidé veut cacher sa faiblesse,
Il invoque ces Dieux, ennemis des mortels,
Dont souvent le carnage entoure les autels.
Ces Dieux qui, lui donnant leur féroce génie,
Se nourrissent de sang dans les rocs d’Hircanie.

 Tout à coup, ô prodige ! en croirai-je nos yeux ?
Mégistias, qui lit dans les secrets des Cieux,
Voit de loin apparaître, au milieu de la nue
Une Divinité, chez les Grecs inconnue.
Tels ne sont point les traits de ces heureux esprits,
Qui, du haut de l’Olympe, à nos regards surpris,
Vers le soir descendus dans nos riants bocages,
Offrent de la beauté les célestes images.
C’est un fantôme horrible, nm monstre qu’ont produit
Les flancs du noir Chaos et de l’antique Nuit ;
il attriste le jour, et sa forme étrangère
Passe en horreur Typhon, le Sphinx et la Chimère.
Sa taille gigantesque et son port furieux
De Mars même en courroux étonneraient les yeux.
Je l’entrevis moi-même, et d’horreur j’en frissonne ;
À travers les vapeurs dont son front s’environne.
Au-dessus de Tigrane il vole, et dans les airs
Son glaive flamboyant trace de longs éclairs.
Tel quelquefois se montre, à la terre alarmée.
Cet astre inattendu, dont la queue enflammée