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LA GRÈCE SAUVÉE.

Non loin de notre camp est un bocage épais.
Cher à la rêverie, habité par la paix ;
Et c’est là qu’élevant un autel de feuillage,
Notre chef aux Neuf Sœurs adresse son hommage :

 « Chastes filles du ciel, vous chérissez les bois,
« Dit-il, et leur silence anime votre voix.
« Ô Muses ! daignez-y recevoir nos prières ;
« Le courage vous plait, vos lyres sont guerrières ;
« Souvent leur charme heureux fit naître au fond du cœur
« Ce magnanime orgueil qui maitrise la peur ;
« Un doux enthousiasme, une sainte allégresse,
« Les grâces, la beauté, vous escortent sans cesse ;
« Vous enchantez la vie, et, marchant sur vos pas,
« La gloire aux yeux du brave embellit le trépas.
« Le brave, ô nobles Sœurs, vous doit sa renommée ;
« C’est par vous qu’il renaît, et votre voix aimée,
« Consacrant les exploits de ceux qui vous sont chers,
« Retentit d’âge en âge et remplit l’univers.
« Sauvez-moi de l’oubli, Déesses de mémoire !
« Je vous livre mon sort, Muses, et j’aime à croire
« Qu’à l’exemple d’Achille, un jour mon souvenir
« En des vers immortels charmera l’avenir. »

 Le roi prie, et soudain le feu luit, l’encens fume,
Un faisceau de lauriers sur l’autel se consume ;
Des fleurs et des gazons l’éclat s’est ranimé,
Tout rit autour de nous : le désert est charmé.
Nous avons entendu les doctes Immortelles
Toucher légèrement la forêt de leurs ailes !