Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/423

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
296
ŒUVRES DE FONTANES.

Consulter avec moi la fatale Prêtresse.
Nous ne la vîmes point, l’air troublé, l’œil en feu,
Frémir en haletant sous le souffle d’un Dieu ;
Sans trouble à ses regards l’avenir se dévoile.
Il est à ses côtés une magique toile
Qu’une invisible main développe sans bruit,
Et brise et recommence, et sans cesse détruit.
Des filles de l’enfer cette toile est l’ouvrage ;
On y voit de son sort la symbolique image ;
La navette infernale, y circulant toujours,
D’un labyrinthe obscur figure les détours,
C’est celui de la vie : un seul fil nous y guide.
Cependant la Prêtresse au monarque intrépide
Des merveilleux tissus interprète le sens,
Et fait entendre enfin ces funestes accents :
« Filez, Parques, filez, achevez votre trame,
« Léonidas est prêt, et Pluton le réclame ;
« Sparte qu’il va remplir du bruit de ses exploits,
« Pour sauver tous les Grecs, doit perdre un de ses Rois. »
Elle se tait : mon sang se glace à l’instant même ;
Je tombe dans les bras du grand homme que j’aime.
Lui seul reçoit l’arrêt sans changer de couleur ;
Et d’une austère voix condamnant ma douleur,
Il veut que je promette aux pieds des trois Déesses,
Par l’Érèbe et le Styx, par leurs eaux vengeresses,
Par l’éternelle Nuit, mère de l’univers,
De garder les secrets qui me sont découverts.
Je le jure, et gémis, et me force au silence.

 Nous quittons ce séjour d’où s’enfuit l’espérance ;