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LA GRÈCE SAUVÉE.

De Codrus, en marchant, il invoquait les mânes.
Je l’abordai non loin d’un bosquet de platanes,
Près du tombeau d’Aleman, de ce chantre fameux
Dont les vers sont encor le charme de nos jeux ;
Je le suis, il se tait, j’imite son exemple ;
En silence tous deux nous marchons vers ce temple
Qu’aux Parques autrefois ont voué nos aïeux,
Et que d’antiques pins cachent à tous les yeux.

 Ce temple à trois autels : là, seule et retirée,
Habite une prêtresse aux Trois Sœurs consacrée.
On dit que, s’y cachant au fond d’un souterrain,
Elle entend jusqu’au bruit de leurs fuseaux d’airain ;
Et que de l’enfer même entrouvrant les portiques,
Elle voit, aux clartés de trois lampes mystiques,
Le ciseau destructeur, dans les mains d’Atropos,
Retrancher d’un seul coup la trame des héros.
Sur un trépied de fer dans l’ombre elle est placée :
Elle y reste immobile, et son âme glacée
Ne s’émeut ni des pleurs, ni des dons des mortels ;
Leur encens prodigué meurt sur ses froids autels.
Jamais les passions n’ont changé son visage,
Et sa voix, qui du sort est le plus sur présage,
Exauce sans plaisir, refuse sans courroux
Les pâles suppliants qui pressent ses genoux.
Tout tremble en l’abordant : Léonidas sans crainte
Du triple sanctuaire a pénétré l’enceinte,
S’avance, et descendant par des sentiers secrets
Vers l’antre où du Destin sont cachés les décrets,
Ose, sur les dangers qui menacent la Grèce,