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LA MAISON RUSTIQUE.

L’aurore, dans ce lieu, vous invite en secret ;
Vous rêvez, le temps vole, et rien ne vous distrait,
Et l’étoile du soir vous surprend sous l’ombrage.

 N’allez point cependant affecter l’air sauvage ;
N’entourez point vos parcs d’inflexibles verroux.
Quelquefois à la danse un joyeux rendez-vous
Invite sous l’ormeau la jeunesse voisine ;
Daignez au vieux fermier, qui lentement chemine,
Accorder quelque ombrage où, dans les jours d’été,
Il repose en louant la main qui l’a planté.
Que vos lits de gazon et l’eau de votre source
Délassent le passant fatigué de sa course !
Le pâtre vous implore, accueillez ses douleurs,
Et que ses jeunes fils croissent parmi vos fleurs !

 Si ma barque longtemps aux flots abandonnée
N’était prête à toucher la rive fortunée,
D’un seigneur de château j’aurais peint les bienfaits,
Les champs qu’il féconda, les heureux qu’il a faits ;
Et ces tableaux peut-être auraient eu quelque grâce.
Mais du chant pastoral aisément on se lasse ;
La muse géorgique est chez nous sans honneurs.
Elle a ses droits pourtant aussi bien que ses sœurs ;
Maron lui dut jadis son plus parfait ouvrage ;
Et si des temps passés j’en crois le témoignage,
Un jour, la flûte en main, par ses accords touchant :
De la muse héroïque elle a vaincu les chants.
On m’a conté sa gloire et je vais la redire.