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ŒUVRES DE FONTANES.


 Cherchez donc, en vos parcs, un abri solitaire
Qu’habitent le repos, l’étude, le mystère :
Les Muses avec vous y viendront se cacher,
Et de ce lieu chéri nul ne peut approcher.
Voulez-vous loin du bruit méditer sans contrainte ?
Au fond de vos bosquets tracez un labyrinthe,
Qui sous d’épais lauriers, sous des myrtes riants,
Confonde en cent détours ses sentiers tournoyant,
Et loin de l’importun qui voudrait vous surprendre,
Semble vous entourer des replis du Méandre.
Telle fut cette enceinte où, pour tromper Minos,
Un fil mystérieux dirigeait un héros.
J’ose ici réclamer cet art, né dans la Crète,
Qui vous dérobe aux yeux de la foule indiscrète.
Morel veut le bannir des modernes jardins ;
Mais bravez de Morel les orgueilleux dédains ;
Permettez-vous ces jeux où s’amusait Armide.
C’est dans un labyrinthe, au fond des bois de Guide,
Que Vénus avec Mars se cachait à Vulcain.
Lorsqu’aux rayons des nuits, en se donnant la main,
Les Nymphes ont dansé sur le haut du Ménale,
Le pasteur devançant l’aurore matinale
Retrouve, sur l’émail du gazon ranimé,
Le labyrinthe heureux que leurs pas ont formé.
Combien j’aimais de Sceaux les ombragés antiques
Là, s’ouvrait un dédale aux verdoyants portiques,
Qui souvent protégea, vers le déclin du jour,
Et les chants du poëte, et les jeux de l’amour.
Là, tout-à-coup Chaulieu, dans sa course incertaine
Rencontrait à l’écart les Muses ou Du Maine.