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ŒUVRES DE FONTANES.

Ou révélé ces lois dont la sainte équité
Par de savants accords sait régir la cité.

 Tel, l’austère Molé décorait son domaine ;
Tel, s’offrait le coup-d’œil de Bâville ou de Fresne.
Ô gloire de la France ! ô vénérables noms !
Ô Bâville, ô séjour des sages Lamoignons !
Je me figure encor, dans tes longues allées,
De tes hôtes fameux les ombres rassemblées :
Sous ton auguste ombrage on croit voir en entrant
Tout ce que le grand Siècle eut jadis de plus grand.

 Racine et Despréaux sont arrivés ensemble :
Le bon sens, le bon goût, l’amitié les rassemble,
Et Lamoignon ravi s’assied au milieu d’eux.
D’où s’élève dans l’air ce nuage poudreux ?
Sous ces rapides chars quel bruit au loin résonne ?
C’est La Rochefoucauld, c’est Colbert, c’est Vivonne ;
Pour s’enfuir à Bâville, ils ont quitté la cour.
De nobles entretiens les charment tour-à-tour :
C’est le beau, c’est le vrai, c’est le roi, la patrie,
La morale et les lois, les arts et l’industrie.
Quel groupe un peu bruyant là bas s’est éloigné ?
Près de Corbinelli j’aperçois Sévigné ;
Tout près sont Cornuel, Coulange, et La Fayette :
Là, court en folâtrant l’anecdote secrète.
Ainsi, quand on nous peint, dans les palais du ciel,
Jupiter assemblant le sénat immortel,
Tous les dieux partagés gravement délibèrent ;
Par Minerve à propos leurs avis se tempèrent ;