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LA MAISON RUSTIQUE.

L’orgueilleuse Garonne, en partageant ses eaux,
D’un parc qu’elle embellit traverser les berceaux.
Du haut des belvéders les nobles châtelaines
Souvent tournent les yeux vers ces barques lointaines
Qui courent échanger les trésors des deux mers,
La voile dont les plis se gonflent dans les airs,
Un flot pur, un beau soir, la rame balancée,
Le repos et le bruit, tout plait à la pensée.
Mais, quel que soit l’attrait de ce tableau mouvant,
Aux parcs les plus fameux il manqua trop souvent ;
Et si le dieu du fleuve est loin de vos domaines,
Guidez vers vous, du moins, la nymphe des fontaines :
Ses flots sont moins pompeux, son cristal est plus frais,
Et l’art embellira ses rustiques attraits.

Reviens près de cette onde, aimable Poésie
Qui célébrais jadis Vaucluse et Blandusie !
Blandusie et Vaucluse avaient moins de clarté.
Ici, la rêverie attend l’homme enchanté ;
Il s’arrête, il s’assied, repose, et sur la rive
Dans un vague abandon flotte l’âme pensive.
D’une eau qui toujours fuit le sourd frémissement
Me berce, me distrait, m’agite doucement.
Alors, suivant le cours de la vague incertaine,
L’imagination au hasard se promène ;
L’espoir, les vœux trompés, les volages amours,
Et les tendres regrets et les premiers beaux jours,
Mille doux souvenirs, fugitives images,
Et ces illusions qui suivent tous les ages,
Et de la vie enfin les mobiles tableaux,