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ŒUVRES DE FONTANES.


 Cérès a commandé : Pomone la seconde ;
Le sol obéissant, à leur voix, se féconde ;
Tout naît, croît et mûrit, et sous de frais berceaux
Alphée et son amante ont confondu leurs eaux.
Proserpine descend : les parfums l’environnent,
De leurs fruits suspendus les arbres la couronnent ;
La rose à son aspect se hâte de s’ouvrir,
Les gazons de s’étendre et les bois de fleurir ;
L’eau murmure à ses pieds, tandis que sur sa tête
La voix des rossignols prolonge un chant de fête.
Proserpine applaudit en embrassant Cérès,
La suit, et pénétrant des ombrages secrets,
S’arrête tout à coup dans sa route indécise,
Et reconnaît la place où Pluton l’a surprise.
Son front rougit d’abord : mais sa bouche a souri.

 On dit que des neuf Sœurs ce verger fut chéri.
Là, tous les ans, leur voix fêtait le jour prospère
Qui rendait une fille à l’amour de sa mère ;
Pour ce rustique enclos dont leurs yeux sont charmés
Elles abandonnaient leurs sommets renommés.
C’est là qu’en un bosquet la Muse de l’idylle,
Enflant près de l’Alphée une flûte docile,
Pour la première fois a modulé ses airs.
Souvent même, attiré par de si doux concerts,
Théocrite en secret vint dans ce lieu champêtre ;
Virgile y pénétra sur les pas de son maître.
Hélas ! depuis ce jour, au poëte, au berger,
Cérès n’a plus ouvert le céleste verger.