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LA MAISON RUSTIQUE.

J’irai dans ce jardin où, calme et solitaire,
La science à toute heure ouvre son sanctuaire.
Ce dieu qui, du grand Tout emblême révéré,
Fut dans la docte Égypte autrefois honoré,
Pan rassemble en ces lieux, sous sa garde féconde,
Tous les germes ravis aux quatre parts du monde.
Ici, mieux qu’à Memphis, pour expliquer ses lois,
Des Linné, des Buffon, il emprunte la voix.
J’entendrai les savants qu’a formés leur génie ;
Ils partagent entr’eux la Nature infinie,
Et dans son vaste empire ils règnent tous en paix :
Chacun soulève un coin de ses voiles épais.
Sans ombre, ô Vérité ! tu veux qu’on te contemple,
Le sphinx n’est plus assis sur le seuil de ton temple ;
Tout ce que tu cachas se montre à tous les yeux.
Le divin Esculape égaré dans ces lieux,
D’un art trop insulté révélant les mystères,
Vient demander aux fleurs quelques sucs salutaires.
Ces filles du printemps ne les refusent pas,
Et leurs bienfaits sans nombre égalent leurs appas.

 Ainsi donc que les fleurs, charme de votre asile,
Ne frappent point vos yeux d’un éclat inutile.
À l’entour un essaim bourdonne sourdement ;
C’est là que, pénétré d’un double enchantement,
Vous lisez, au doux bruit de la ruche agitée,
Ces vers plus doux encore où gémit Aristée.
C’est là qu’on rit parfois, Réaumur à la main,
Des aimables erreurs du poëte romain.