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LA MAISON RUSTIQUE.


 Avant que sur les cieux, dans un sombre nuage,
Amalthée en fuyant ramène le Verseau,
L’arbuste est enlevé de son premier berceau ;
Il a changé de sol, et sous vos lois prospères,
Il aime à vivre aux lieux où moururent ses pères.

 Connaissez donc du ciel les signes réguliers ;
Sachez, en variant vos travaux journaliers,
Les hâter à propos, les quitter, les reprendre.

 Sur le tertre voisin, dois-je encor vous apprendre
À planter la colonne où le temps qui m’instruit,
Tournant à pas égaux, marque l’heure qui fuit ?
N’allez point y graver quelque sinistre emblême ;
Laissez le solitaire, ennemi de lui-même,
Chercher dans l’instrument qui mesure le jour
Le terrible signal d’un départ sans retour.
Mais vous, peignez plutôt les Heures enchaînées,
De pampres et de fleurs, et de fruits couronnées.

 Tout doit rire en effet à votre œil enchanté.
Que la grâce se mêle à la fécondité !
Dessinez le parterre où vos fleurs vont éclore :
Pomone en tous les temps fut compagne de Flore.
Renais dans hyacinthe, enfant aimé d’un Dieu !
Narcisse, à ta beauté dis un dernier adieu,
Penche-toi sur les eaux pour l’admirer encore.
D’un éclat varié que l’œillet se décore ;
Et toi qui te cachas, plus humble que tes sœurs,
Violette, à mes pieds verse au moins tes odeurs !