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LA MAISON RUSTIQUE.

Mais il plut à Louis, il fut cher à Condé ;
Tout change, et les vergers dont j’ai tracé l’histoire
Doivent à deux Bourbons leur fortune et leur gloire.

 Ranime donc ta voix, poursuis, Muse des champs !
L’art qu’aimaient ces héros est digne de les chants.
D’autres prodigueront des trésors inutiles
Dans ces grands parcs anglais peuplés d’arbres stériles,
Où le Spleen au front pâle, à l’œil morue, au pas lent,
De vapeurs obsédé, se promène en bâillant ;
Pour moi, de jeux plus doux j’offre ici la peinture.
Vertumne à chaque instant variait sa figure,
C’est d’un riche verger l’emblème ingénieux :
Que de mille couleurs il se pare à mes yeux !
Si j’en veux parcourir les routes ombragées,
Les fruits, leurs doux parfums, leurs couleurs mélangé
Tout me plait et m’invite, et suspend mon chemin.
Que puissent les saisons, se tenant par la main,
En cercle, autour de nous, verser sans imprudence
Cette urne qu’à leurs soins confia l’abondance !
Nos vœux sont exaucés : il est temps de jouir.

 Lorsqu’en un ciel serein, prêts à s’épanouir,
Vos arbres, que cinq mois a noircis la froidure,
Font entrevoir de loin un réseau de verdure,
Et qu’un heureux contraste unit en même temps
Les débris de l’hiver aux boutons du printemps,
Oh ! de l’année en fleur que l’enfance intéresse !
Ce pommier a blanchi : tiendra-t-il sa promesse ?
L’été vient, et Pomone, amante du Soleil,