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ŒUVRES DE FONTANES.

Des fruits de l’âge d’or ont gardé la semence :
Tel, exempt de tout soin, durant des jours entiers
L’Indien vit en paix sous les hauts cocotiers.
Notre sort est moins doux ; les sueurs d’une année
Ont payé l’humble gerbe en nos champs moissonnée
Nos printemps sont douteux, nos étés sont trop courts ;
Au génie inventeur nos besoins ont recours ;
Le génie a parlé, tout fleurit, l’eau circule,
Le marais se dessèche, et Dodone recule ;
L’air, la terre et les eaux ont perdu leurs poisons,
Et sur un autre sol naissent d’autres saisons.
La culture peut tout, et ces froides contrées,
D’un oblique soleil à regret éclairées,
Ont vu naître en leur sein les plantes du midi.
Le commerce aux cent bras, dans le monde agrandi,
Tentera, s’il le faut, des conquêtes nouvelles ;
Astres, guidez son cours ! vents, prêtez-lui vos ailes !
Le nocher tend sa voile, il part, et sur nos bords
Les deux Indes bientôt porteront leurs trésors.
Nos mains, savant Dédale, ont passé ta merveille,
Et dans l’île où jamais le marteau ne sommeille,
Les Cyclopes honteux ne peuvent concevoir
Que l’humaine industrie ait vaincu leur savoir.

 Hélas ! nos talents même attestent nos misères ;
C’est le courroux d’un Dieu qui les rend nécessaires.
L’homme en créant les arts se fait des bras nouveaux,
Et les ajoute aux siens pour aider ses travaux ;
C’est aux arts que sa main doit le sceptre du monde.
Le sol, qu’orne aujourd’hui leur présence féconde,