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LA MAISON RUSTIQUE.

Étonne la nature et double ses présents ?
Ce prodige est vulgaire, et cet art est facile.
L’arbre n’admire plus, comme au temps de Virgile,
Et ce nouveau feuillage et ces fruits adoptés
Que sa tige a nourris et n’a point enfantés.
La greffe industrieuse étendit ses conquêtes,
Et porte à ton verger des moissons toutes prêtes.
Choisis dans le berceau qui les tient enfermés
Les élèves naissants que Pomone a formés.
En quenouille arrondi, ce long arbre s’élance,
Et plus bas, opprimé de son trop d’opulence,
L’arbre nain vers la terre a courbé ses rameaux.
Ces fruits, nés promptement, sont aussi les plus beaux ;
Mais ceux qu’on obtiendra d’un tronc jadis sauvage,
Plus lents dans leurs progrès, en vivront davantage.
Des vergers paternels c’était là le trésor ;
Plusieurs comptent un siècle et fleurissent encor.
Nos ancêtres plantaient jusqu’à la dernière heure ;
Si pour nous autrefois ils ornaient leur demeure,
Puissent, sur nos tombeaux, nos enfants En leur tour
Hériter des bienfaits légués par notre amour !

 Laisse croître en plein champ les troncs les plus robustes,
Ils braveront l’hiver : mais des tendres arbustes
Que le branchage errant, par tes mains enhardi,
S’élève et se prolonge aux rayons du midi,
Et cache, en se couvrant des trésors de l’automne
Du mur qui le soutient le coup-d’œil monotone.
Autour de ces lambris que le nord ne voit pas,
Le pêcher de la Perse a suspendu ses bras ;