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LA MAISON RUSTIQUE.

Et nos plus grands héros, nos magistrats, nos sages,
Dans une ferme obscure habitaient autrefois !

 Regardez L’Hopital, ce ministre des lois,
Qui, sourd aux factions, ami vrai de la France,
Osait à Médicis prêcher la tolérance.
Lui-même il nous a peint son rustique séjour :
Deux amis, pour le voir, avaient quitté la cour ;
Il vole au devant d’eux, et sa muse avec grâce
Les invite en ces mots dans la langue d’Horace :

 « Vous, qui pour ma retraite abandonnez Paris,
« Salut, dit-il, entrez, ô mes hôtes chéris !
« Entrez, et partageant l’humble toit qui me couvre,
« Reposez-y vos yeux, las des pompes du Louvre.
« Que puis-je vous donner ? des légumes, des fruits :
« J’offre tous les trésors que ma ferme a produits.
« Que pour vous, aux pois verts, ornement de ma table,
« Le porc nourri de glands mêle un suc délectable,
« Et, né depuis deux mois, qu’un innocent agneau,
« À sa mère enlevé, tombe sous le couteau.
« La noix, chère aux buveurs, est déjà recueillie ;
« Du tribut des pommiers ma corbeille est remplie ;
« Mon vin a quelque prix, mes raisins sont vantés,
« Et leurs ceps par ma femme ici furent plantés.
« Vous faut-il d’autres mets ? fiez-vous à son zèle.
« Non loin, est une ferme et plus riche et plus belle :
« À son maître opulent nous pouvons recourir,
« Et du marché voisin les trésors vont s’ouvrir.
« Mes pénates pourtant n’ont point l’air trop rustique.