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LA SOCIÉTÉ SANS LA RELIGION.


Des filles de Cybèle autrefois la première,
L’Europe était l’amour, la gloire et la lumière
 De cent peuples domptés ;
Elle parlait en reine, et ses sœurs elles-mêmes
Humiliaient l’orgueil de leurs trois diadèmes
 Devant ses volontés.

Des mœurs et des talents mère active et féconde,
Dans la paix, dans la guerre, elle étonna le monde
 Par ses nobles travaux ;
L’éclat de trois mille ans doit-il donc se détruire ?
Et le siècle appauvri ne peut-il reproduire
 De grands hommes nouveaux ?

J’ai consulté l’histoire, et j’ai vu la Fortune,
Aux royaumes divers, de leur chute commune
 Fixer le dernier jour ;
Tout meurt, mais tout renait, et quand un peuple expire,
Le Dieu qui l’anima passe en un autre empire
 Qui s’élève à son tour.

Ce n’est plus maintenant un seul trône qui tombe,
Ce n’est plus un seul peuple entraînant dans sa tombe
 Et les lois et les arts ;
C’est la société que le temps a minée,
Et qui, d’un dernier coup enfin déracinée,
 Croule de toutes parts.