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SUR M. DE FONTANES.

Le moment vint pourtant où le despotisme affermi ne crut plus avoir besoin des éloges de Fontanes et s’irrita de ses leçons. Un discours de clôture (31 décembre 1808), où le président repoussait avec une courageuse dignité un bulletin impérial daté de Benavente (Espagne), bulletin insolent pour le Corps législatif et injurieux pour toute la nation, décida son éloignement. Mais comment et par qui le remplacer ? Ce ne fut pas pour l’empereur un médiocre sujet d’embarras et de souci. Les dernières paroles de Fontanes avaient excité à tel point l’enthousiasme de l’assemblée, qu’il était plus que probable qu’à la prochaine session il serait réélu candidat à la présidence, d’autant que cette élection se faisait au scrutin secret, moyen commode de se montrer courageux. En effet, Napoléon essaya vainement de faire porter à la candidature le comte de Montesquiou ; Fontanes l’emporta à la presque unanimité, et il fallut bien le nommer président pour l’année 1809. Mais en 1810 il échappa à la nécessité de le conserver en le faisant sénateur. Alors disparut du Corps législatif jusqu’au dernier fantôme de liberté. Une seule voix avait pu s’y faire entendre, et quand elle se tut, quel silence jusqu’au moment où, ranimé par le danger de la patrie et par le rapport de Laîné[1], ce corps silencieux commença d’ébranler le colosse qui pesait sur le monde !

Transporté du Corps législatif dans le Sénat, Fontanes, n’étant point obligé d’y parler et peut-être s’en félicitant, s’y montra prudent et réservé. Avouons même, avec l’impartialité que nous avons gardée jusqu’ici, que son courage politique sembla presque se démentir dans la circonstance où le public en espérait le plus. Chargé par le Sénat de la même mission, qu’avait si bien remplie Lainé au Corps législatif, Fontanes y demeura faible et embarrassé. Il s’interdit toutes vérités sévères et se contenta d’insister sur la nécessité de la paix. Mais qui aurait le courage de blâmer un reste de faiblesse, et

  1. À la fin de 1812.