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LES PYRÉNÉES.

 Couraient venger le saint tombeau.
 Quelque berger pauvre et tranquille,
Qui vit durant six mois sur ces rocs sourcilleux,
 M’accueille en son obscur asile,
Et me conte, en versant un lait pur dans l’argile,
Les combats, les héros, et les faits merveilleux.
Un esprit, un géant d’une énorme stature
 Sur le gouffre a jeté ce pont ;
Quelle est, dans ces grands rocs, cette large ouverture
Où mille combattants pourraient passer de front[1] ?
 C’est le neveu de Charlemagne,
C’est le hardi Roland monté sur son coursier,
Qui d’un grand coup d’épée a fendu la montagne ;
 C’est là qu’en revenant d’Espagne
 Succomba le grand chevalier.
On dit qu’au sein des nuits le fantôme héroïque,
Sur un noir palefroi dont il presse le flanc,
Se montre à Roncevaux où vit sa gloire antique,
Et que les vieux échos d’une roche magique
Y murmurent encor la chanson de Roland.
Ô région guerrière et vraiment poétique,
Que tes aspects sont beaux ! que ton peuple est vaillant !
Non, jamais de Tempé le vallon délectable
N’eut de plus doux abris, n’eut de plus verts gazons ;
Ici, parés de fleurs, au défaut des moissons,
Les pénates du pauvre ont un aspect aimable,
Et l’idylle à leurs pieds retrouverait des sons.
Sainte Hospitalité, tu n’es plus une fable !

  1. L’endroit connu sous le nom de la Brèche-de-Roland.