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ŒUVRES DE FONTANES.

N’a point du trahir le malheur :
Fidèle à leurs longues disgrâces,
On le vit, errant sur leurs traces,
Et tout braver, et tout souffrir ;
Hélas ! après quinze ans d’absence,
Dans le séjour de sa naissance
Il ne revient que pour mourir !

Toi, dont l’égide inébranlable
Jusqu’ici, dans le monde entier,
Protégea même le coupable
Qui vint s’asseoir à ton foyer,
Hospitalité ! vierge pure !
Un prince, que ta foi rassure,
Jusqu’en tes bras est massacré ;
Frémis et cache ton visage,
En fuyant l’indigne rivage
Où le malheur n’est plus sacré.

C’en est fait, Enghien sans défense
Va subir l’arrêt assassin ;
Au plomb meurtrier qui s’élance
Lui-même a présenté son sein ;
Il tombe, et sa cendre ignorée
Jamais d’une amante éplorée
Ne recevra les doux adieux ;
Mais, tout plein de celle qu’il aime,
Son grand cœur, à l’heure suprême,
N’a point fait rougir ses aïeux.