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LE VIEUX CHÂTEAU.

De loin, sous ces vieux arcs mutilés par les âges,
Que j’aime à voir, au sein des plus frais paysages,
La Seine prolonger les replis inégaux
Du riche labyrinthe où s’égarent ses eaux !
Son canal est si pur ! Ses bords sont si fertiles !
Mon œil la suit, s’arrête en ses riantes îles,
La perd et la retrouve, et, par un doux penchant,
La conduit jusqu’aux monts qui bornent le couchant.
Ce vallon semble fait pour la muse champêtre.
Oui, c’est dans ces beaux lieux qu’en effet a dû naître
Ce peintre qui, de Rome égalant les pinceaux,
De l’âme d’un poëte animait ses tableaux.
Sans doute le Poussin, jusque dans l’Ausonie,
Regretta ce séjour, berceau de son génie.
Là, ses premiers crayons esquissèrent les champs.
Je me plais à penser qu’en ses plus jeunes ans,
Il cherchait, comme moi, ces débris pittoresques,
Qu’il aimait à saisir leurs aspects romanesques,
Et du fleuve qui fuit le cours irrégulier.
La roche où je m’assieds lui servit d’atelier.
Un nom plus fier encore illustra ces rivages,
Corneille ! C’est ici que, fuyant les hommages,
Ce maître de la scène et des grands sentiments
Venait se reposer des applaudissements.
Passant, arrête-toi ! Salut à sa demeure !

 Que ne puis-je habiter jusqu’à ma dernière heure
Les poétiques bords illustrés par tous deux !
Ah ! que j’y sois paisible encor plus que fameux !
Mes vers les chanteront. S’il faut que j’y succombe,