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ŒUVRES DE FONTANES.

La gloire au cœur lui-même indique un noble choix,
Et les longues amours payaient les grands exploits.
Les plus belles alors choisissaient les plus braves.

 Alors, plus vrais que nous, plus tendres et plus graves
Nos aïeux dédaignaient les cités et la cour ;
Les combats et les champs avaient seuls leur amour.
On trouvait, sous leurs toits et guerriers et rustiques,
L’honneur chevaleresque et les mœurs domestiques.
Âge simple ! âge heureux ! Dans les nuits de janvier,
En cercle on s’asseyait près d’un brûlant foyer.
Les vents grondaient, le fleuve inondait la prairie,
Tandis qu’un vieux croisé qui vécut en Syrie,
Songeant, près de la Seine, aux rives du Jourdain,
Racontait ses exploits et ceux de Saladin,
Et le tombeau d’un Dieu conquis sur l’infidèle.
C’est en vain que la pluie à flots pressés ruisselle,
Et que les froides nuits glacent les champs voisins,
On combat, on pénètre au camp des Sarrazins,
Et ces cieux enflammés, qu’on voit en espérance,
Des hivers un moment dérobent la présence.

 Un chant naïf succède à ces nobles récits,
Et des jaloux Fayels, des malheureux Coucis,
D’un monarque enfermé dans une tour obscure,
On lamente, en pleurant, la tragique aventure.
Un troubadour parait : ô transports enchanteurs !
On l’entoure, à sa harpe il suspend tous les cœurs ;
Le silence attentif et l’écoute et l’admire.