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ŒUVRES DE FONTANES.

Vous dit tout bas : « Mon fils, viens ici, viens à moi,
« Marche au fond du désert : j’y serai près de toi. »
Maintenant, du milieu de cette paix profonde,
Tournez les yeux : voyez-dans les routes du monde
S’agiter les humains, que travaille sans fruit
Cet espoir obstiné du bonheur qui les fuit.
Rappelez-vous les mœurs de ces siècles sauvages,
Où, sur l’Europe entière apportant les ravages,
Des Vandales obscurs, de fax-ouches Lombards,
Des Goths, se disputaient le sceptre des Césars.
La force était sans frein, le faible sans asile :
Parlez, blâmerez-vous les Benoît, les Basile,
Qui, loin du siècle impie, en ces temps abhorrés,
Ouvrirent au malheur des refuges sacrés ?
Déserts de l’Orient, sables, sommets arides,
Catacombes, forêts, sauvages Thébaïdes,
Oh ! que d’infortunés votre noire épaisseur
A dérobés jadis au fer de l’oppresseur !

 C’est là qu’ils se cachaient, et les Chrétiens fidèles,
Que la Religion protégeait de ses ailes,
Vivant avec Dieu seul dans leurs pieux tombeaux,
Pouvaient au moins prier sans craindre les bourreaux.
Le tyran n’osait plus y chercher ses victimes.
Eh ! que dis-je ? Accablé de l’horreur de ses crimes,
Souvent dans ces lieux saints l’oppresseur désarmé
Venait demander grâce aux pieds de l’opprimé.
D’héroïques vertus habitaient l’ermitage.
Je vois dans les débris de Thèbes, de Carthage,
Au creux des souterrains, au fond des vieilles tours,