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LA CHARTREUSE DE PARIS.

Sortir d’un long silence, et monter dans les airs,
Un martyr dont l’autel a conservé les restes,
Et le gazon qui croît sur ces tombeaux modestes
Où l’heureux cénobite a passé sans remord
Du silence du cloître à celui de la mort.

Cependant, sur ces murs l’obscurité s’abaisse,
Leur deuil est redoublé, leur ombre est plus épaisse ;
Les hauteurs de Meudon me cachent le soleil ;
Le jour meurt, la nuit vient : le couchant moins vermeil
Voit pâlir de ses feux la dernière étincelle.
Tout-à-coup se rallume une aurore nouvelle,
Qui monte avec lenteur sur les dômes noircis
De ce palais voisin qu’éleva Médicis[1] ;
Elle en blanchit le faite, et ma vue enchantée
Reçoit par les vitraux la lueur argentée.
L’astre touchant des nuits verse du haut des cieux
Sur les tombes du cloître un jour mystérieux,
Et semble y réfléchir cette douce lumière
Qui des morts bienheureux doit charmer la paupière.
Ici, je ne vois plus les horreurs du trépas,
Son aspect attendrit et n’épouvante pas.
Me trompé-je ? Écoutons : sous ces voûtes antiques
Parviennent jusqu’à moi d’invisibles cantiques,
Et la Religion, le front voilé, descend,
Elle approche : déjà son âme attendrissant,
Jusqu’au fond de votre âme en secret s’insinue ;
Entendez-vous un Dieu, dont la voix inconnue

  1. Le Luxembourg.