Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
ŒUVRES DE FONTANES

Réjouis-toi, Memphis, entonne des concerts :
L’éclatant Sirius se lève dans les airs ;
Avec lui dans les champs l’abondance est venue ;
Le Nil s’enfle, et du fond de sa grotte inconnue
Épanche de ses flots le tribut renaissant ;
Son front porte d’Isis le mobile croissant ;
Une urne est dans ses mains, où, d’or pur enrichie,
Brille du firmament l’image réfléchie ;
Et les ailes du sphynx en ombragent le tour.
La rive au loin résonne ; et le dieu tour à tour
Compte, et nomme, et bénit les étoiles propices,
Qui, soulevant le poids de ses eaux bienfaitrices,
Ont donné le signal des moissons et des jeux[1].
 Hélas ! qu’ils sont changés ces rivages fameux !
L’Alcoran à la main, l’ignorance stupide
S’assied sur les remparts où méditait Euclide[2] :
Elle y commande seule ; et c’est là qu’autrefois
Hipparque à la science imposa d’autres lois.
De la voûte étoilée il élargit l’enceinte[3],
Et toujours de ses pas elle a gardé l’empreinte.
Mais que d’erreurs encor ! Les deux trop entassés
Dans des cieux de cristal tournaient entrelacés ;
Et les astres, conduits par le seul Ptolémée,
Publièrent mille ans sa fausse renommée.

  1. On sait que les débordements du Nil firent naître en Égypte les observations astronomiques.
  2. Alexandrie, qui vit fleurir, dans son école, Euclide, Hipparque et tant d’autres grands hommes.
  3. Hipparque avait compté à peu près deux mille étoiles.