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OEUVRES DE FONTANES.

Ton cœur, en le suivant, fut trop faible peut-être ;
Rosny, plus d’une fois, en a grondé son maître.
Avec tous les Français, Bourbon, je t’en absous.
Et qui peut condamner des sentiments si doux ?
Faut-il donc aux bons rois défendre la tendresse ?
Garde, pour mieux charmer, cette aimable faiblesse.
Cher Prince ! de ton nom tes sujets amoureux,
Puisque tu fus sensible, ont été plus heureux.
Chênes, qui protégiez Bourbon et Gabrielle,
Qui le vîtes souvent reposer auprès d’elle,
Assis et désarmé comme un simple pasteur,,
Ah ! que du bûcheron le fer profanateur
Jamais n’ose outrager votre auguste vieillesse !
Habitants de la ferme, en ce jour d’allégresse,
Venez : je vous appelle à cet arbre chéri
Fier d’avoir protégé les amours de Henri.
Vous m’avez entendu : vous courez en cadence,
Et je vois s’arrondir le cercle de la danse.
Agitez à grand bruit le bruyant tambourin ;
Chantez : Vive Henri ! dans ce joyeux refrain
Où la gaîté naïve, à nos aïeux si chère,
Peignit du Béarnais le brillant caractère.
Le Béarnais fut brave, et buveur, et galant.
Que la tonne à longs flots verse un jus pétillant !
Pontife de la fête, aux amants de mon âge
Je permets, il le faut, un joyeux badinage.
Voici l’heure propice. Amant, tu peux oser ;
A ta belle en riant, trois fois, donne un baiser :
L’amour aime ce nombre, et même l’âge antique
Le révérait, dit-on, comme un nombre mystique.