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LA FORÊT DE NAVARRE.

Et ne dirait-on pas, en parcourant ces lieux,
Qu’au sein des flots émus, des bois mélodieux,
D’une invisible main quelque aimable génie
Touche légèrement ces lyres d’Ionie
Dont la molle cadence inspire à tous les cœurs
Et les vagues désirs et les tendres langueurs ?
C’est la voix de l’Amour : ici, tout le rappelle,
Tout y ressent du Dieu la présence immortelle.
L’Amour de monuments peupla ces régions,
Partout, sur la Neustrie, ont brillé ses rayons.
Il parcourt d’un coup d’œil, dans la même contrée,
Anet, Ivry, Navarre, où Diane et d’Estrée
Montrent à chaque pas leur riant souvenir ;
Là, de leurs noms encore il vient s’entretenir,
Et s’assied sur le marbre où lui-même éternise
Des belles et des rois la touchante devise.
Il se plait à Navarre, il en sait le chemin ;
Souvent à Gabrielle il y donna la main ;
Henri n’était pas loin, il observait leur trace.
Le héros sur ces fleurs déposait sa cuirasse.
Charmante Gabrielle, est-ce ici qu’un grand roi
Soupirait sa complainte en s’éloignant de toi ?
Gabrielle, à ton nom ces échos applaudissent,
Et les eaux de l’Iton plus rapides bondissent.
Et toi, fameux Henri, ton ombre aime toujours
Ces lieux où le bonheur t’attendait loin des cours.
Peu d’amants couronnés ont connu l’art de plaire 5
Mais toi, tu le connus, monarque populaire.
Le hameau t’a béni, l’amour qui t’a dompté,
Sans obscurcir ta gloire, accroissait ta bonté ;