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OEUVRES DE FONTANES.

Là, sont d’heureux abris, d’impénétrables voûtes,
Dont l’amour quelquefois vous enseigna les routes.
Au village on médit comme dans les cités ;
Mon vers sera discret : ô belles, redoutez
Des bois silencieux le charme et le mystère !
La Fontaine l’a dit ; eh ! quelle amante austère,
Vers le déclin du jour, sous ces dômes touffus,
Pourrait à son amant opposer un refus,
Surtout quand la fauvette aux bosquets de charmille
Suspend le lit de mousse où naîtra sa famille ?
Moi-même en ces beaux lieux je soupire éperdu ;
Mes doigts ont vacillé sur mon luth détendu,
A peine il retentit : ses tons qui s’affaiblissent
En sons voluptueux par degrés s’amollissent.
Oui, je n’en puis douter, l’amour même autrefois
Enchanta ces vallons, et ces eaux et ces bois.
Le prodige est certain : c’est vous que j’en atteste,
Muses ! vous le savez : un jour l’enfant céleste
Prit son arc et ses traits, et volant vers Ivry
Cherchait aux lieux voisins les traces de Henry,
Sur Navarre un moment ses ailes s’abaissèrent.
Non loin, à ce gazon que leurs pieds caressèrent,
Les Grâces en dansant ont donné sa fraîcheur ;
Là, de leurs corps divins entourant la blancheur,
L’Iton enorgueilli les reçut dans son onde,
Et tout-à-coup sa rive en devint plus féconde.
Depuis qu’il a touché l’albâtre de leur sein,
Un cristal plus limpide embellit son bassin ;
Je ne sais quel doux bruit ses roseaux font entendre ;
De Zéphire à l’entour le murmure est plus tendre ;