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OEUVRES DE FONTANES.

Son front était chargé des lambeaux du vieil âge,
Et d’ornements sans goût un bizarre assemblage
Ota même à ses traits, sous la main de Ronsard,
Cette naïveté qui faisait tout son art.
Sa honte enfin l’accable, et d’une voix plaintive
Elle accusait le sort, quand, non loin de la rive,
Elle entendit ces mots : « Viens t’instruire avec moi,
Tes sœurs seront un jour moins aimables que toi. »
Elle tourne les yeux : Malherbe est devant elle,
Et dans sa main brillait cette lyre immortelle
Dont le chantre thébain fit entendre les airs.
La muse ouvre l’oreille à ces nouveaux concerts,
Prend la corde sonore, et, d’une main plus sûre,
Marque déjà les tons, le repos, la mesure.
Malherbe l’instruisit : elle a pris son essor.
Quels sons plus imposants retentissent encor ?
Ils annoncent de loin ce sublime Corneille
Qui, né dans la Neustrie, en sera la merveille ;
Son génie, en ces champs qu’il rendit plus fameux,
Devint fort et profond, vaste et riche comme eux.
Terre où naquit Corneille ! ô terre du génie !
De ma lyre naissante agrandis l’harmonie ;
Un jour peut-être, un jour, si tu veux m’adopter,
Sur des tons plus hardis j’essaîrai de chanter.
Maintenant, humble ami des muses pastorales,
Je me cache en tes bois, j’en parcours les dédales :
Tel jadis à Windsor Pope s’est égaré ;
Heureux si, par Navarre à mon tour inspiré,
Je puis du même charme embellir mes images !
Cependant l’heure fuit, et de riches nuages,