son style. Mais, chose singulière ! la traduction de Fontanes était précédée d’un Discours préliminaire ; il aspirait sans doute à figurer par ses vers dans les premiers rangs des poëtes du temps, et il arriva que sa prose le plaça tout d’abord au premier rang des prosateurs où il n’aspirait pas. C’est en effet un morceau achevé. On s’étonna de trouver, dans un jeune homme de vingt-six ans, une si rare sûreté de goût, une si haute raison, une critique si fine et si profonde, un fonds de littérature si étendu, tant d’élégance et de clarté unies à une telle variété d’idées et de jugements indépendants. Les portraits de Lucrèce, d’Horace, de Boileau, de Voltaire, et surtout de Pascal, considérés comme écrivains moralistes, furent dès lors et seront toujours cités comme des modèles de style, comparables à ce que nous ont laissé dans ce genre les plus beaux génies du grand siècle.
Le poëme du Verger[1] fut publié en 1788. Le plan en parut vague et faiblement tracé ; mais on remarqua de beaux vers sur les Alpes, le Jura et la Vallée du Léman, et un morceau des plus gracieux sur les fleurs.
Le talent poétique de Fontanes sembla s’être agrandi dans l’Essai sur l’Astronomie, publié en 1789. Ce fut alors que La Harpe, qui ne louait guère ses contemporains, prononça sur Fontanes ces paroles prophétiques ; Voilà décidément un poëte qui tuera l’école de Dorat. Même succès attendait l’Építre sur l’Édit en faveur des non catholiques, couronnée le 25 août de la même année par l’Académie française. Cet édit sorti du cœur de Louis XVI, et qui rendait aux protestants les droits que leur avait fait perdre la révocation de l’édit de Nantes, cet édit qui trouva parmi eux tant et de si illustres ingrats, inspira dignement Fontanes. Né d’une famille calviniste, écrivant son épître au milieu des déclamations philosophiques et politiques de 1789, il y rend hommage à Louis XVI, sans cesser d’admirer Louis-le-Grand ; il est philosophe et religieux, tolérant
- ↑ Fontaines l’a refait depuis tout entier et en trois chants, au lieu d’un, sous le titre d’Essai sur la Maison rustique. Il est encore inédit.