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Tout est beau pour l’artiste, car en tout être et en toute chose, son regard pénétrant découvre le caractère, c’est-à-dire la vérité intérieure qui transparaît sous la forme. Et cette vérité, c’est la beauté même. Étudiez religieusement : vous ne pourrez manquer de trouver la beauté, parce que vous rencontrerez la vérité.

Travaillez avec acharnement.

Vous, statuaires, fortifiez en vous le sens de la profondeur. L’esprit se familiarise difficilement avec cette notion. Il ne se représente distinctement que des surfaces. Imaginer des formes en épaisseur lui est malaisé. C’est là pourtant votre tâche.

Avant tout, établissez nettement les grands plans des figures que vous sculptez. Accentuez vigoureusement l’orientation que vous donnez à chaque partie du corps, à la tête, aux épaules, au bassin, aux jambes. L’art réclame de la décision. C’est par la fuite bien accusée des lignes, que vous plongez dans l’espace et que vous vous emparez de la profondeur. Quand vos plans sont arrêtés, tout est trouvé. Votre statue vit déjà. Les détails naissent et ils se disposent ensuite d’eux-mêmes.

Lorsque vous modelez, ne pensez jamais en surface, mais en relief.

Que votre esprit conçoive toute superficie comme l’extrémité d’un volume qui la pousse par-derrière. Figurez-vous les formes comme pointées vers vous. Toute vie surgit d’un centre, puis elle germe et s’épanouit du dedans au dehors. De même, dans la belle sculpture, on devine toujours une puissante impulsion intérieure. C’est le secret de l’art antique.

Vous, peintres, observez de même la réalité en profondeur. Regardez, par exemple, un portrait peint par Raphaël. Quand ce maître représente un personnage de face, il fait fuir obliquement la poitrine et c’est ainsi qu’il donne l’illusion de la troisième dimension.

Tous les grands peintres sondent l’espace. C’est dans la notion d’épaisseur que réside leur force.

Souvenez-vous de ceci : il n’y a pas de traits, il n’y a que des volumes. Quand vous dessinez, ne vous préoccupez jamais du contour, mais du relief. C’est le relief qui régit le contour.

Exercez-vous sans relâche. Il faut vous rompre au métier.

L’art n’est que sentiment. Mais sans la science des volumes, des proportions, des couleurs, sans l’adresse de la main, le sentiment le plus vif est paralysé. Que deviendrait le plus grand poète dans un pays étranger dont il ignorerait la langue ? Dans la nouvelle génération d’artistes, il y a nombre de poètes qui, malheureusement, refusent d’apprendre à parler. Aussi ne font-ils que balbutier.

De la patience ! Ne comptez pas sur l’inspiration. Elle n’existe pas. Les seules qualités de l’artiste sont sagesse, attention, sincérité, volonté. Accomplissez votre besogne comme d’honnêtes ouvriers.

Soyez vrais, jeunes gens. Mais cela ne signifie pas : soyez platement exacts. Il y a une basse exactitude : celle de la photographie et du moulage. L’art ne commence qu’avec la vérité intérieure. Que toutes vos formes, toutes vos couleurs traduisent des sentiments.

L’artiste qui se contente du trompe-l’œil et qui reproduit servilement des détails sans valeur ne sera jamais un maître. Si vous avez visité quelque campo santo d’Italie, sans doute avez-vous remarqué avec quelle