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art et pornographie

tionnent cette profession ou qui en résultent. Un roman même qui dépeindrait la vie et les sentiments de cette catégorie d’êtres humains ne saurait être, pour cela, qualifié de pornographique. Si hardi que soit la Fille Elisa, et bien que ce ne soit pas un livre à mettre entre toutes mains, le roman des Goncourt ne mérite pas la réprobation que comporte cette épithète.

Ce n’est donc pas tant la matière traitée qui donne ou ôte aux écrits le caractère pornographique, c’est, avant tout, la manière de les traiter. Toute chose humaine, si basse et abjecte qu’elle soit, peut être traitée noblement. Et non pas même en l’idéalisant, en la transformant, en la vidant de la pulpe de vie qui fait à la fois sa vérité et sa saveur, mais en lui conservant tout ce qui en fait la réalité et lui donne toute sa portée.

Nonobstant, il faut reconnaitre que l’étymologie du mot nous aide à bien comprendre le sens ignominieux qu’il a pris. Car ce sens est tout à fait en rapport avec la réprobation qui s’attache à la courtisane. On idéalise parfois ce genre de femmes en les transformant en des sortes de prêtresses de Vénus et de l’amour, et, ce faisant, on blasphème l’amour même. Car l’amour n’est pas vénal, car l’amour se dépasse lui-même, il va vers un but sacré, la perpétuité de la race humaine ou du moins l’exaltation des êtres qui s’aiment, le développement de toutes leurs puissances et comme leur transfiguration