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incompréhension de la réalité, loin de deviner la poésie intense et médiate des choses, leur compose une poésie factice dont la fantaisie prétend renouveler et reconstruire l’univers. Chez les classiques, comme parmi les âmes qui ne dépravèrent point leurs forces de tendresse, l’amour s’analyse plus exactement : on y accepte que le moi, pauvre figure bornée et impressionnable, selon souvent le reflet des heures devienne la proie de rétractions autant que d’attirances, de sourires autant que de blâmes, d’inquiétudes autant que de baisers ; et malgré tout cela ou plutôt à cause de tout cela, elles savent échanger une vraie parcelle de leur être, les Dames des Lais de Marie de France, les Amoureuses de Racine, l’Eva de Vigny, et Celles qui, s’arrêtant voilées sur le seuil de M. Sully Prudhomme, y sont après sa Prière entrées « peut-être même tout simplement ». De pareilles unions n’excédant plus la relativité des êtres dans l’Immense attachent et solidarisent au-delà des prosopopées d’une stérile rhétorique : ce n’est pas la mort qui peut ainsi lier, mais la vie.

Comme elle régit les couples, la suprême loi, la loi d’amour régit obscurément les sociétés ; surtout elle sera la conscience des cités futures ; avec le Savoir, son autre face secrète, elle nous interdit de blasphémer le destin des êtres. Lorsqu’en tant de beaux vers M. Sully Prudhomme plaint les