Sans doute n’équivoquons point : on moissonne trop l’ivraie de vers qui sont mal des vers dans « le sourire paisible et rassurant des blés » de La Justice et du Bonheur. Que tout vers de Hugo soit sans bavure, c’est là excellence d’ouvrier : forcément au contraire un Vigny qui innove, qui pressent, qui découvre, ébauche. D’autre part, si le sens des vers de M. Sully Prudhomme est souvent difficile, — et le théoricien des Réflexions sur l’art des vers eut tort de reprocher un soin analogue aux grands symbolistes, — ces initiations nous semblent une nécessité et presqu’un délice ; nous voulons une prose perceptible de tous, mais la formule poétique est à l’idée ce que la formule algébrique est à la science : une condensation d’absolu ; pourquoi s’étonner que l’une autant que l’autre impose une spéciale éducation ? De cette règle admise à l’égard des sonnets splendides de Mallarmé bénéficie son ancien confrère du Parnasse contemporain, malgré qu’on comprenne peu l’obstination du Testament poétique à l’encontre du vers libre, lorsque Banville lui-même avoua un jour : « J’aurais voulu que le Poète délivré de toutes les conventions empiriques n’eut d’autre maître que son oreille délicate, subtilisée par les plus douces caresses de la musique ; en un mot, j’aurais voulu substituer la vie toujours renouvelée et variée à une loi mécanique et