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Et s’il peut braver la mort même,
Si le meilleur de l’homme est tel
Que rien n’en périsse, je t’aime
Avec ce que j’ai d’immortel.


Si ces petits poèmes intérieurs sont parfois les mieux significatifs en poésie philosophique, il faut néanmoins saluer Le Zénith comme un chef d’œuvre intellectuel :

Saturne, Jupiter, Vénus n’ont plus de prêtres ;
L’homme a donné les noms de tous ses anciens maîtres,
À des astres qu’il pèse et qu’il a découverts…
Les paradis s’en vont ; dans l’immuable espace,
Le vrai monde élargi les pousse ou les dépasse,
Nous avons arraché sa barre à l’horizon.

Le magnifique symbole suggéré par le récent cruel naufrage du ballon Le Zénith réalisa l’alliance la plus neuve et la plus émouvante de la science et de la poésie ; l’adaptation des images à l’envol hautain de la pensée accroit réciproquement le pouvoir de cette union : ce drame à la fois si angoissant et si rassérénant des « sublimes Argonautes » devant les Portes éternelles des Hespérides de l’idéal scande la montée éperdue et inlassablement tentée des hommes vers l’éblouissement des Étoiles et l’Ombre plus secrètement encore radieuse :

Ah ! quelle mort ! La chair, misérable martyre,
Retourne par son poids où la cendre l’attire,