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s’employait dans une maison de commission, mourut d’une fièvre cérébrale la cinquième année du mariage dont grandissaient une fille et un fils à ce moment âgé de deux ans. À la disparition de M. Prudhomme, deux aînés, célibataires, de la triste et jeune veuve, un frère et une sœur vinrent habiter avec elle et désormais dirigèrent presque la vie de famille ; malgré toute l’affectueuse intimité de ce foyer, ces collatéraux bourgeois ne comprirent guère l’éveil moral si délicat de l’enfant qui commençait alors par une mode

    Si on savait la fatale puissance,
    Que vite aurais échappé sa présence !
    Sans tenter plus, que vite j’aurais fuy !

    Las ! Las ! que dis-je ? Ô si pouvait renaître
    Le jour tant doux où je le vis paraître,
    Oiseau léger comme j’irais à lui !

    Lyonnais fut aussi vers le même temps ce si remarquable Maurice Scève, tout épris de science et d’art en ses vers qui, subtilement intellectuels ou sentimentaux semblent parfois ébaucher son compatriote du xixe siècle :

    Rien ou bien peu faudrait pour me dissoudre
    D’avec son vif ce caduque mortel.
    À quoi l’esprit se veut très bien résoudre,
    Jà prévoyant son corps par la mort tel
    Qu’avecques luy se fera immortel,
    Et qu’il ne peut que pour un temps périr.
    Donc pour la paix à ma guerre acquérir
    Craindrai renaître à vie plus commode ?
    Quand sur la nuit, le jour vient à mourir,
    Le soir d’ici est aube à l’antipode.