moindre choc, elle part ; au plus petit souffle, elle vole et ne cesse d’errer dans l’espace qui n’a pas de routes humaines. Fuite sublime vers des mondes inconnus, vous devenez l’habitude invincible de son âme ! Ce qui ne fait qu’effleurer les autres le blesse jusqu’au sang ; ceux qu’il plaint souffrent moins que lui et il se meurt des peines des autres. Dans l’intérieur de sa tête brûlée, se forme et s’accroît quelque chose de pareil à un volcan. Le feu couve source dément et lentement dans ce cratère et laisse échapper ses laves harmonieuses qui, d’elles-mêmes, sont jetées dans la divine forme des vers. »
En cette Image l’auteur des Destinées reflétait sa grandeur : qu’après lui, nul ne nous en fasse souvenir[1] à l’égal de M. Sully Prudhomme, n’est-ce point assez pour la gloire du vieux Poète immobilisé par la maladie dans sa tour d’ivoire de Chatenay, comme un géant de Michel-Ange passionné par le marbre ! Tel qu’Alfred de Vigny, M. Sully Prudhomme écrivit des strophes pénibles et des strophes radieuses ; sauf d’Alfred de Vigny, il diffère des confrères illustres de son siècle : nul écho des verbiages romantiques n’assourdit dans son
- ↑ La Renommée néglige trop deux autres filles austères et belles des Destinées, les Parques de M. Ernest Dupuy et l’Illusion de M. Jean Lahor.