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d’aventure, quand quelqu’un de ces gentils-hommes servans donne un soufflet à un page, ou quelque coup de pied à un chien. Il y a trente escuyers, qui ne cessent de frencher les viandes, desmembrer des oyes, oysons, chappons, pieces de veau : decouppent les saucissons, et mettent par rouelles, les tenans d’une main avec la fourchette. Iceux toutesfois, en decouppant, retiennent pour eux les meilleurs morceaux, et gardent pour eux les croppions des chapons. L’Abruze avoit envoyé à ce festin ses jambons fumez ; Naples, ses goudiveaux ; Milan, ses souppes jaunes, et ses cervelats, qui contraignent les biberons François de vuider souvent les bouteilles. Après avoir mangé le bouilli, les gentils-hommes servans font commandement d’apporter le rosti. Et aussi-tost jambons, faisans, francolins, chevreaux, levraux sont apportez, tout autre espece d’oyseaux, que le faucon et l’esprevier peuvent arrester avec leurs serres, et que le gerfaut a accoustumé d’étriper. On appose pour entremets des amandes, de la saulse verte, du jus de citron et d’orange, de la moustarde. On presente après des tourtes, du blanc manger, composé avec laict de vache, et des plats plains de rissoles toutes couvertes de sucre et de canelle. Après s’estre un chacun bien repeu de ces viandes grasses, et tant que leurs panses estoient pleines jusques au gosier, qui contraignoit de lascher la ceinture ; au seul signal des gentils-hommes servans, promptement fut levé le reste de la mangeaille de dessus la table.

Puis, on apporta une grande quantité de tasses d’or et d’argent, et enrichies de perles : dedans icelles estoient diverses confitures toutes dignes d’un Roy, et la table en estoit si chargée, qu’il sembloit qu’elle en plioit. On apporta morseletz, amandes, pignons, maschepains, et cent autres deguisemens de fruicts conficts ; enfin on presente en des grands vases la boisson fumante ; et de tous les vins, la gloire est donnée à la malvoisie, pour laquelle nos anciens disoient le feu s’amortir par le feu. Il n’y