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avoit prinse. Alors Cingar, en riant, se faict bailler un sac, lequel il emplit des ossemens, qui estoient soubs la table, et, le chargeant sur l’espaule de Zambelle, luy dit: « Allons-nous-en; car en ce sac tu portes Chiarine: Zambelle, vien; nous l’enterrerons nous deux. » Et prenant congé de tous ces bons compagnons, se met en chemin, et Zambelle le suivoit, assez chargé des os de sa Chiarine. Quand ils furent près la fosse de Cipade où les grenouilles chantent ordinairement, là mettent en repos les reliques de Chiarine, laquelle en son temps a esté digne d’estre celebrée par le grand Coccaie. Là se trouverent les Satyres, et filles Dryades, lesquelles laissant flotter leurs cheveux espars çà et là, pleurerent Chiarine et le pere Seraphin, s’y trouvant aussi, grava en un arbre ces vers:

De ce que j’ay esté venduë par deux fois
Par le malin Cingar avec fraude et astuce;
De ce que de ma chair se sont pour une fois
Saoullez jusqu’à crever des Moines sans capuzze :
Point du tout ne me deuls, mais seulement me plains
D’avoir en vie esté par un sot gouvernée.
Ainsi quand par malheur vous vous voyez contrains
Suivre un fol gouverneur, que votre âme bien née
Pleure plustost cela, ô vous pauvres humains,
Que pour se voir soudain de son corps, separée !


LIVRE NEUVIEME.


C’estoit la feste de sainct Brancat et sainct Ombre[1], lesquels, à la priere et requeste de Buffamalque et de

  1. Ces deux saints sont de la famille de saint Gobelin, de saint