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miere de cet homme, et luy arracher sa lanterne. Ce fait, ces vautneans tirent leurs espées de plomb, et faisant sonner leurs boucliers, environnent ce pauvre homme degarni d’armes, le despouillent, le volent, et luy lient les mains : mais, s’il leur donne en tapinois ce qu’il a peu embourser de monnoye pour sa journée, ils laissent aller ce miserable garni seulement de cholere, ne luy demeurant aucun denier qu’il avoit gaigné tout le jour à battre la laine, ou tirer de l’estain, pour se sustenter, et sa petite famille. Le Prevost, pour luy faire perdre manteau, chausses, et chemise, le menace de le mettre entre les mains du bourreau. Telle faute vient des Juges, lesquels doivent envoyer au gibet tels larrons, nettoyer les chemins des assassinateurs, faire mourir et exposer par quartiers les voleurs et guetteurs de chemins, y estant excitez par la voye de justice, et non pour farcir leurs ventres et amasser de l’or.

« O combien voyons nous de pauvres personnes qui n’avoyent rien, et qui n’avoyent un sol en bourse estre pendus au gibet ! Nos ministres de Justice n’ont point toutesfois à present cet esgard : car, pendant qu’ils succent leurs bourses et espuisent les escarcelles, ils secondent les malheureux deportemens de leurs ministres. Ils ostent l’espée à la Justice, brisent ses balances, chient sur le Droict, et tournent le cul aux loix. Ha ! combien ceste canaille de sergens meriteroit mieux estre menée au gibet, que ceux-là qu’ils y menent ! He ! pourquoy donne-on permission à tels chiens de porter espée, estant defendu aux autres d’en porter à leurs ceintures ? Le Prevost, les sergens, portent seuls des armes pour desgager et voler les personnes. Aussi, les vaillans hommes, et ceux qui sont de honne maison, ne veulent aujourd’huy porter espée à leur costé, de peur qu’on les estime sergens. S’ils vont prendre quelque malfaicteur, ce ne leu est assez de l’arrester, mais soudain le volent : l’un prend le manteau, l’autre se saisit du bonnet, un autre le casa-