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Selon certains auteurs elles s’expliquent par l’influence anglaise au cours de la guerre de Cent Ans. Selon les autres, l’architecture française du xiiie siècle contenait déjà le principe de l’art flamboyant, la contre-courbe. Ces deux positions sont également vraies. Il est exact en effet que la contrecourbe est impliquée dans le dessin de certaines formes françaises anciennes et que la rencontre de l’arc brisé et du lobe inférieur d’un quatre-feuilles en donne le tracé parfait mais notre art ne la dégage pas, il la contient au contraire, il la dissimule comme un principe contraire à la stabilité de l’architecture et à l’unité monumentale des effets. Cependant, dès la seconde moitié du xiiie siècle, en Angleterre, le développement stylistique confine au baroque, il abonde en courbes et en contre-courbes, il avoue et définit un état nouveau de l’architecture, auquel il doit d’ailleurs renoncer bientôt. La rencontre historique de deux états différents, de deux vitesses inégales, provoque dans l’art français, non une révolution par insertion d’apports étrangers, mais, plus justement, une mutation qui fait reparaître certains caractères anciens et cachés, en leur donnant une virulence nouvelle.

La question, d’ailleurs, est loin d’être simple. Il ne suffit pas, pour l’étreindre, de comparer, ici et là, les états d’un style, d’étudier les modalités et les effets de leur contact. Il faut encore examiner les parties qui, elles non plus, ne sont pas forcément synchroniques. Le gothique anglais est longtemps fidèle à la conception des masses de l’art normand, alors que, dans le tracé des courbes, il anticipe avec rapidité, étant ainsi à la fois et dans le même temps un art précoce et un art conservateur.

On peut faire des remarques analogues à propos de la lenteur de l’évolution architecturale en Allemagne. Tandis qu’en France se multiplient et s’enchaînent des expériences qui, en un siècle et demi, passent des formes archaïques de l’art roman aux formes achevées de l’art gothique, l’art ottonien, d’une part,