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LES FORMES DANS LE TEMPS

À ce point de nos recherches, nous voyons s’affronter les doctrines et, plus encore, en chacun de nous, des mouvements contraires de la pensée. Quelle est la place de la forme dans le temps, et comment s’y comporte-t-elle ? Dans quelle mesure est-elle temps et dans quelle mesure ne l’est-elle pas ? D’une part l’œuvre d’art est intemporelle, son activité, son débat propre s’exercent avant tout dans l’espace. Et d’autre part elle se place avant et après d’autres œuvres. Sa formation n’est pas instantanée, elle résulte d’une série d’expériences. Parler de la vie des formes, c’est évoquer nécessairement l’idée de succession.

Mais l’idée de succession suppose des conceptions diverses du temps. Il peut être interprété tour à tour comme une norme de mesure et comme un mouvement, comme une série d’immobilités et comme une mobilité sans arrêt. La science historique résout cette antinomie par une certaine structure. L’enquête sur le passé, qui n’a pas pour objet cette construction du temps, ne saurait s’en passer. Elle se développe selon une perspective, c’est-à-dire dans certains cadres, d’après un ordre de mesures et de rapports.

L’organisation du temps pour l’historien repose, comme notre vie même, sur la chronologie. Ce n’est pas tout de savoir que les faits se succèdent, ils se succèdent à de certains intervalles. Et ces intervalles mêmes n’autorisent pas seulement une mise en place, mais déjà, sous certaines réserves, une interprétation. Le rapport de deux faits dans le temps n’est pas le même selon qu’ils sont plus ou moins éloignés l’un de l’autre. Il y a là quelque