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LES FORMES DANS L’ESPRIT

Jusqu’à présent nous avons traité la forme comme une activité indépendante, l’œuvre d’art comme un fait séparé du complexe des causes, ou plutôt nous nous sommes attaché à montrer dans le système des relations particulières où elle se trouve engagée une sorte de causalité spécifique qu’il y avait lieu de préciser d’abord. La riche série de phénomènes que la forme développe dans l’espace et dans la matière légitime et appelle un ordre d’études. Ces propriétés, ces mouvements, ces mesures, ces métamorphoses ne sont pas des indices secondaires, mais l’objet essentiel, et nous croyons en avoir dit, malgré la brièveté volontaire de cet exposé, pour que la notion de monde des formes cesse d’apparaître comme une métaphore, pour que soit justifiée dans ses grandes lignes notre esquisse d’une méthode biologique. Mais nous ne perdons pas de vue la critique opposée par Bréal à toute science des formes qui « réalise » la forme comme telle et qui la constitue en être vivant. Dans cet ensemble si divers et si bien lié, où est l’homme ? Et reste-t-il une place pour l’esprit ? Ou bien, abrités derrière un vocabulaire, avons-nous fait autre chose que de la psychologie imagée ? N’est-il pas temps de remonter à la source ? Ces formes qui vivent dans l’espace et dans la matière ne vivent-elles pas d’abord dans l’esprit ? Ou plutôt n’est-ce pas vraiment et même uniquement dans l’esprit qu’elles vivent, leur activité extérieure n’étant que la trace d’un processus interne ?

Oui, les formes qui vivent dans l’espace et dans la matière vivent dans l’esprit. Mais la question est de savoir ce qu’elles