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d’échange, on peut les interpréter comme une réaction contre la vocation formelle des matières de l’art, ou, mieux encore, comme un travail de la technique sur les rapports des techniques entre elles. Il y aurait intérêt à en étudier l’histoire, en cherchant comment s’exerce à cet égard la loi du primat technique et comment se sont constituées, puis défaites, dans la pratique et dans la pédagogie, ces notions d’unité et de nécessité qui s’imposent plus ou moins aux divers « métiers » de l’art. Mais, en dehors de tout mouvement historique engageant des ensembles, nous aurions profit à analyser de près et sous cet angle les dessins et les peintures des sculpteurs ou les sculptures des peintres. D’une façon plus générale, comment ne pas tenir compte de Michel-Ange sculpteur en étudiant Michel-Ange peintre, et n’aperçoit-on pas les relations étroites qui unissent chez Rembrandt le peintre et l’aquafortiste ? Il ne suffit pas de dire que l’eau-forte de Rembrandt est eau-forte de peintre (concept qui a, lui-même, singulièrement varié), il faut chercher encore dans quelle mesure et par quels moyens elle cherche à atteindre les effets de la peinture, et lesquels. Il ne suffit pas non plus d’évoquer à propos de sa peinture la lumière de ses eaux-fortes, mais il faut ressaisir les diverses astuces par lesquelles cette dernière, transposée, agit sur une autre matière dont elle subit à son tour l’ascendant. Un autre exemple est celui des relations de l’aquarelle et de la peinture dans l’école anglaise. Sans doute elles ont leur point de départ chez Rubens et chez Van Dyck, ces étonnants aquarellistes à l’huile, s’il est permis d’employer cette formule. La fluidité de leur matière peinte a, dans leur œuvre, quelque chose d’aquatique. Mais il n’est pas question alors d’aquarelle proprement dite. Comment cet art particulier se définit-il comme tel, de quelle façon se libère-t-il, pour acquérir sa « nécessité » formelle et pour exercer enfin l’influence de l’éclat du ton, de la limpidité mouillée, sur des peintres comme Bonington et Turner ? Ces recherches révéleraient des aspects inattendus de l’activité