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apparemment immobile. Que nous donnent-elles ? Des repères dans le temps ? Une perspective psychologique, la topographie heurtée d’états de conscience successifs ? Beaucoup plus : la technique même de la vie des formes, son développement biologique. Un art qui nous livre, à cet égard, de riches secrets, par les divers « états » des planches, c’est la gravure. Ils sont une curiosité pour les amateurs, mais ils ont pour l’étude une signification plus profonde. Même si l’on n’envisage que l’esquisse d’un peintre, esquisse réduite à elle-même, sans son passé de croquis, sans son avenir de tableau, on sent qu’elle comporte déjà son sens généalogique et qu’elle doit être interprétée, non comme un arrêt, mais comme un mouvement.

À ces recherches généalogiques, il faut en ajouter d’autres sur les variations, et d’autres encore sur les interférences. La vie des formes se cherche souvent d’autres voies à l’intérieur d’un même art et dans l’œuvre d’un même artiste. Qu’elle trouve son plein accord et son équilibre, c’est incontestable, mais que cet équilibre tende à la rupture et à des expériences nouvelles ne l’est pas moins. On simplifie singulièrement la question en ne voulant voir dans ces nuances, parfois si tranchées, que la transposition poétique des agitations de la vie humaine. Et quel rapport nécessaire entre la servitude ou la pesanteur physique de l’âge mûr et la jeune liberté dont font preuve, au soir de leur vie, Tintoret, Hals et Rembrandt ? Rien ne montre mieux que ces puissantes variations l’impatience de la technique à l’égard du métier. Non que la matière lui pèse, mais il lui faut en extraire des forces toujours en vie, et non pas vitrifiées sous un vernis parfait. Ce n’est pas pleine possession des « moyens », puisque ces moyens ne suffisent plus. Enfin ce n’est pas virtuosité, puisque le virtuose se délecte de l’équilibre acquis et dessine toujours la même figure de danse, qui va se rompre et qui ne se rompt pas, sur son mince fil bien tendu.

Quant aux interférences, ou phénomènes de croisement et