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Le physicien ne s’emploie pas à définir l’ « esprit » auquel obéissent les transformations et les comportements de la pesanteur, de la chaleur, de la lumière, de l’électricité. Au surplus, on ne saurait confondre désormais l’inertie de la masse et la vie de la matière, puisque cette dernière, dans ses plus infimes replis, est toujours structure et action, c’est-à-dire forme, et plus nous restreignons le champ des métamorphoses, mieux nous saisissons l’intensité et la courbe de ses mouvements. Il n’y aurait que de la vanité dans ces controverses sur le vocabulaire, s’il n’engageait les méthodes.

Au moment où nous abordons le problème de la vie des formes dans la matière, nous ne séparons pas l’une et l’autre notion, et, si nous nous servons de deux termes, ce n’est pas pour donner une réalité objective à un procédé d’abstraction, mais pour montrer au contraire le caractère constant, indissoluble, irréductible d’un accord de fait. Ainsi la forme n’agit pas comme un principe supérieur modelant une masse passive, car on peut considérer que la matière impose sa propre forme à la forme. Aussi bien ne s’agit-il pas de matière et de forme en soi, mais de matières au pluriel, nombreuses, complexes, changeantes, ayant un aspect et un poids, issues de la nature, mais non pas naturelles.

De ce qui précède on peut dégager plusieurs principes. Le premier, c’est que les matières comportent une certaine destinée ou, si l’on veut, une certaine vocation formelle. Elles ont une consistance, une couleur, un grain. Elles sont forme, comme nous l’indiquions, et, par là même, elles appellent, limitent ou développent la vie des formes de l’art. Elles sont choisies, non seulement pour la commodité du travail ou bien, dans la mesure où l’art sert aux besoins de la vie, pour la bonté de leur usage, mais aussi parce qu’elles prêtent à un traitement particulier, parce qu’elles donnent certains effets. Ainsi leur forme, toute brute, suscite, suggère, propage d’autres formes et, pour