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LES FORMES DANS L’ESPACE

L’espace est le lieu de l’œuvre d’art, mais il ne suffit pas de dire qu’elle y prend place, elle le traite selon ses besoins, elle le définit, et même elle le crée tel qu’il lui est nécessaire. L’espace où se meut la vie est une donnée à laquelle elle se soumet, l’espace de l’art est matière plastique et changeante. Nous avons peut-être une certaine peine à l’admettre, depuis que nous sommes sous l’empire de la perspective albertienne : mais il y en a beaucoup d’autres, et la perspective rationnelle elle-même, qui construit l’espace de l’art comme l’espace de la vie, est, nous le verrons, plus mobile qu’on ne le pense d’ordinaire, apte à d’étranges paradoxes et à des fictions. Il nous faut faire effort pour admettre comme traitement légitime de l’espace tout ce qui échappe à ses lois. Au surplus la perspective ne s’attache qu’à la représentation sur un plan d’un objet à trois dimensions, et ce n’est là qu’un problème, dans une série très étendue de questions. Remarquons-le d’abord, il n’est pas possible de les envisager toutes in abstracto et de les réduire à un certain nombre de solutions générales qui commanderaient les applications de détail. La forme n’est pas indifféremment architecture, sculpture ou peinture. Quels que soient les échanges entre les techniques, quelque décisive que soit l’autorité de l’une d’elles sur les autres, la forme est d’abord qualifiée par le domaine spécial où elle s’exerce, et non par un vœu de l’entendement ; de même, l’espace qu’elle exige et qu’elle se compose.

Il est pourtant un art qui semble apte à se transporter sans altération dans l’une ou l’autre technique : c’est l’art ornemental,