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Nous n’avons pas à montrer ici comment les formes passent de l’état classique à ces expériences de raffinement qui, portant sur l’architecture, renchérissent sur l’élégance des solutions constructives, jusqu’aux paradoxes les plus hardis, et aboutissent à cet état de pureté sèche, à cette indépendance calculée des parties qui sont si remarquables dans ce que l’on appelle l’art rayonnant, tandis que l’image de l’homme, perdant peu à peu son caractère monumental, se sépare de l’architecture, s’amincit, s’enrichit de flexions nouvelles sur les axes et de subtils passages dans le modelé. La poésie de la chair nue comme matière de l’art amène les sculpteurs à se faire peintres en quelque manière et sollicite en eux le goût du morceau : la chair devient chair et cesse d’être mur. L’éphébisme dans la représentation de l’homme n’est pas le signe de la jeunesse d’un art : il est peut-être au contraire la première et gracieuse annonce d’un déclin. Les sveltes figures de la Résurrection, au grand portail de Rampillon, si souples, si alertes, la statue d’Adam provenant de Saint-Denis, malgré les reprises, certains fragments de Notre-Dame laissent briller sur l’art français de la fin du xiiie et de tout le xive siècle une lumière praxitélienne. On sent bien désormais que ces rapprochements ne sont pas de pur goût et qu’ils se justifient par une vie profonde, sans cesse en action, sans cesse efficace, aux diverses périodes et dans les divers milieux de la civilisation humaine. Peut-être serait-il permis d’expliquer ainsi, et non seulement par l’analogie des procédés, les caractères communs aux figures de femmes peintes au ive siècle sur les flancs des lécythes funéraires attiques et à celles dont les maîtres japonais, à la fin du xviiie siècle, dessinèrent au pinceau pour les graveurs sur bois les sensibles et flexibles images.

L’état baroque permet également de retrouver la constance des mêmes caractères dans les milieux et dans les temps les plus divers. Il n’est pas plus l’apanage de l’Europe depuis trois